Un savoir-faire ancestral

La gousse de vanille telle que nous la connaissons n'arrive pas sous cette forme dans la nature.
Botte de vanille
Laissée à elle-même et à l'état sauvage, même dans les contrées où elle est pollinisée naturellement par l'abeille mélipone endémique au Mexique, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, la vanille ne révèle aucun goût ni même aucun parfum digne de mention.
Vanille sauvage
Ce n'est que par le concours d'une main experte et humaine que la vanille développe ce parfum parmi les plus envoûtants que recèle cette planète.
Les traces des origine de cette aventure se perdent dans les mémoires des Tototaques, un peuple aux origines précolombiennes toujours présent dans l'état du Veracruz au Mexique. Ceux-là même qui ont dominé le marché de la vanille pendant près de 150 ans, soit jusqu'à ce qu'un jeune esclave de 12 ans de l’île de la Réunion nommé Edmond Albius, réussisse à percer le mystère de la fécondation de l'orchidée, malgré ce qu'en pense ses sympathiques descendants dans cet hyperlien. Car jusque là, toutes les tentatives de faire polliniser cette orchidée hors de son aire naturelle d'origine se soldaient par des échecs car ni l'abeille mélipone, ni le colibri pollinisateur de la vanille n'ont jamais pu survivre ailleurs.

Le procédé utilisé aujourd'hui est toujours le même que celui découvert par Edmond Albius. On le pratique tôt chaque matin car les fleurs ont une vie brève de quelques heures en début de journée; et par temps sec, car la pluie a pour effet de contrarier la formation du fruit.

La fleur est tenue délicatement d'une main, un doigt servant de point d'appui sous la colonne (la partie centrale de la fleur). Avec un instrument pointu mais non tranchant, une épine par exemple, on déchire le capuchon qui protège les organes sexuels mâles. Avec ce même instrument, on redresse alors la languette (le rostellum) qui sépare les organes femelles de la partie mâle et l'on rapproche avec les doigts l'étamine porteuse du pollen vers le stigmate ainsi dégagé en exerçant une petite pression pour assurer un bon contact.

Si cette patiente opération n'est pas suffisante pour vous convaincre du bien-fondé du prix des cours actuels de la vanille, sachez que l'aventure ne se termine pas là.
Le fruit met neuf long mois à mûrir avant de commencer à développer les molécules aromatiques recherchées et ce n'est qu'au cours des dernières semaines qu'elles se concentrent dans la gousse. Les cueillir trop tôt annule toute possibilité de développement de la saveur. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il existe un marché de contrebande de vanille immature qu'on appelle "Potsa" à Madagascar. Sévèrement puni par le gouvernement Malgache, cette pratique tend malheureusement à se généraliser, dû à la demande insatiable des industriels producteurs d'extrait.
Je développe ce sujet plus avant dans un de mes blogues, mais sachez que ce qui caractérise une récolte de qualité, d'une récolte médiocre à cette étape-ci du processus, c'est la méthode de cueillette. Si les vanilles sont cueillies à la grappe, tel que demandé par les producteurs industriels soucieux du plus bas coût possible, le taux moyen de vanilline d'une grappe peut varier de 0 à 2%. Ce qui implique que certaines gousses puissent êtres exquises, et d'autres, insipides, car elles ne mûrissent pas toutes au même rythme. Il ne s'agit pas d'un régime de bananes!!

Le secret d'une gousse de vanille succulente tient dans un soins jaloux de cueillir les gousses une à une, au sommet de leur mûrissement. De plus, le plein mûrissement de la vanille favorise le développement des enzymes et de l'huile essencielle qui lui permettent de mieux résister aux bactéries et aux champignons qui peuvent contaminer la vanille tout au long du procédé de séchage. 

Malheureusement cette pratique s'est perdu presque partout à Madagascar et est quasi absente dans tous les nouveaux pays producteurs, sauf chez quelques artisans isolés de notre connaissance...

 

La transformation d'un fruit parfaitement inodores en une épice moelleuse et agréablement parfumée nécessite une préparation minutieuse et méthodique dont les principes en quatre étapes ont été développés au Mexique de longue date. Après la cueillette à un moment précis; ni trop tôt, ni trop tard, on lui fait subir un choc thermique qui scelle la maturation de la gousse, suivi d'une série d'opérations de transformation, de séchage et de tri qui durent près de dix mois avant d'aboutir au produit fini de la gousse de vanille de type gourmet.

Le choc de l'échaudage est pratiqué selon plusieurs méthodes, soit au four, au froid, aux rayons infrarouges ou à l'alcool, mais le moyen, aujourd'hui, le plus couramment employé est un bain d'eau chaude, comme sur cette illustration.
1) Échaudage dans des paniers d'osier remplis de gousses bien mûres de vanille (jusqu'à 30 kg par panier). Elle sont plongées pendant trois minutes, pas plus, dans une eau portée à 65C (150F).

    Échaudage

     

    2) Étuvage : Après l'échaudage, les gousses sont placées entre des couvertures de laine dans de grandes caisses pendant un maximum de 24 heures. Ainsi maintenues au chaud, elles perdent 50% de leur eau, évoluent enzymatiquement et acquièrent leur couleur brun chocolatée ;

      Étuvage

      3) Séchage : pendant deux à six semaines, selon son niveau de qualité potentiel, la vanille est séchée quelques heures par jour d'abord au four à 65 °C (150F) sur des claies, puis au soleil, et enfin à l'ombre pour la meilleure qualité, et enfin mises en malles. 

      Séchage

      4) L'affinage. Cette étape cruciale du procédé dure pendant huit à 10 mois, et même deux ans à la Réunion. Les gousses de vanille sont placées dans des malles en bois habillées de papier parchemin et c'est durant cette période que l'arôme se développe; les malles sont visitées au moins toutes les semaines pour retirer d'éventuelles gousses moisies qui contamineraient les autres; C'est ici que ça se corse. Beaucoup de nouveaux pays producteurs passent outre cette étape en mettant simplement leur vanille sous vide de façon à gagner un peu de poids en eau dans la vente au kilo, et évitent les pertes de vanilles moisies durant l'affinage. Si jamais on vous en offre, méfiez-vous!
       
      Vanille en bottes
      Après la transformation, vient le calibrage et le conditionnement. Cette étape rendue très grossière chez la majorité des nouveau pays producteurs est encore très importante et bien valorisée à Madagascar. Elle permet de trier les gousses selon leur longueur, tout en réalisant un dernier triage: les légèrement fendue au pied parmi les plus belles qualités;  les fendues "ventre" et "gorge" parmi les vanille de seconde qualité. Les plus longues, bien pleines de caviar et légèrement fendues au pied seront les mieux valorisées. Les gousses de même longueur ensuite sont bottelées, et ensachées avec suffisamment d'air pour qu'elles respirent bien.
      Ici-bas: un mauvais conditionnement
      Mauvais conditionnement
      Ici: un bon conditionnement pour le transport
      Bon conditionnement